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Le songe d'Esope

Des prêtres de Cybèle 

Proches de l'insolation,

Encore loin de leur destination,

Cherchaient la citadelle.

Esope leur offrit sa collation

Car la bosse sert à être prodigue!  

Restaurés à l'ombre par quelques figues, 

Requinqués par quelques cerneaux de noix,

Les prêtres suivirent bientôt leur nouveau guide. 

Esope les accompagna jusqu'à l'endroit

Douteux... Puis d'un geste candide

Leur ayant indiqué la bonne direction,    

Vint le moment craint des séparations.  

La plus haute des récompenses

Fut réclamée en cette instance  

Par les prêtres pour s'acquitter...  

A peine Esope les eut-il quittés

Que la chaleur, la fatigue, la solitude

Joignirent ensemble leurs trois sollicitudes

Pour l’endormir sous un superbe pin d'Alep...

Collé contre le tronc, mais porté par la cime,

Il fut bien visité par un songe sublime.  

La Fortune passa et se pencha sur lui.  

Elle couva longtemps du regard (à l'appui)

Esope (comme un enfant!), dénouant sa langue...   

Elle savait Esope à l'abri des harangues

Et souhaitait qu'il pût conter oralement

Ses chers apologues sans aucun bégaiement.   

Son rêve ne déversa aucun autre charme.   

Esope réveillé essuya quelques larmes:    

Comme vous et moi, miracle! Il pouvait parler.

Sans buter sur quelque syllabe mal rendue!   

Pour quelques noix, quelques figues, c’est bien payé!

Il leva la tête vers le ciel et les nues.

"Merci Fortune! Oui, merci mille fois!

Je suis laid, difforme, c'est assez comme croix!    

Ma diction me faisait l'effet d'une masure!

J’ai retrouvé ma voix, donc ma pleine mesure.  

J'en ferai un très bon usage, j'en réponds!"

 

Le sage n'est ni la dupe, ni le fripon.