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Quelques épitaphes de saison!


Passant, rassure-toi, je ne suis pas l'apôtre

De la mort! Cela dit, où je suis, loin des vôtres,

Je suis à mon aise, je ne mentirai pas.

Parmi les nombreux avantages qu'il y a,

Un m'est plus cher que tous les autres:  

On n'entend plus sonner le glas.


Passant, la vie est courte comme mini-jupe

D'été, la mort longue comme manteau d'hiver.

Si réellement la chose te préoccupe,  

Reste à tes yeux le plus grand bien de l'univers,

Vas-y, fonce, ne sois pas dupe! 

Pas une minute ne perds!  

J'en informe mes voisines que cela vexe: 

Je n'ai encore vu squelette du beau sexe.


Passant, ne crois pas que ce tombeau richement

Orné fait ma joie! Il pèse lourd! Oui, j'étouffe

Dessous! Moi qui voulais quelques fleurs seulement,

Une terre légère couverte de touffes,

Une brise et son souffle.


Passant, reprends ta marche, poursuis ton chemin 

Si tu es pressé... et reviens me voir demain!  

Moi, je serai toujours à cette même place... 

Entendre tes pas me distrait et me délasse!


Passant, ayant été malchanceux en amour,

Je pensais vraiment qu'à titre compensatoire  

La mort, très clémente, m'épargnerait toujours!   

Me laisserait vivre sans soucis, ni déboires,

En paix; et passerait, bienveillante, mon tour.

Il n'en fut rien, tu peux me croire! 


Passant, bien qu'étant mort, je suis resté l'enfant

Que j'ai toujours été! J'ai conservé mon âme! 

Si tu veux t'amuser, crois-moi, c'est maintenant

Ou jamais! Rejoins-moi! Descends dans ma cabane  

Pendant que tu es encore souple et fringant!

Tu ne pourras plus quand tu auras une canne!

On pourra faire les fous et faire les ânes!

Jouer aux osselets à deux, c'est plus marrant!


Passant, c'est vrai, la vie passe comme une trombe!

Aussi, n'imite pas cet homme qui vécut

En cachant sous son bras ce qu'il avait de plus

Beau: un grain de beauté... Un tel homme succombe

En demeurant pour tous un parfait inconnu. 

De montrer le meilleur de soi-même il incombe

Aux vivants! Même si après leur mort la tombe

Les recouvre comme s'ils étaient superflus.


Passant, tu n'es qu'une ombre de passage!  

Nous sommes peu différents toi et moi!  

Si tu ne peux plus voir mon doux visage,

Moi, je peux parler sans langue de bois. 


Passant, j'aimais tellement la paix, le silence,  

L'ataraxie... Leur sort avait ma préférence! 

Maintenant que je suis enterré parmi eux, 

Dialoguer avec les vivants me manque un peu. 


Passant, la lumière du soleil qui me manque,

Tu peux la remplacer en brillant comme lui.

Une vérité inconnue des hommes qui flanque

Ton esprit, prononce pour éclairer ma nuit.


Passant, si jamais tu entends quelqu'un te dire

Que le mieux, c'est vivre vite... et intensément... 

N'écoute pas, c'est du délire!

N'écoute pas ce bonimenteur, ce dément.

C'est un perroquet dont tout sage saura rire!

Il faut vivre heureux et longtemps.


Passant, suspends le cours de tes pensées! Prolonge  

Ton arrêt! Fait assez rare quand on y songe:  

L'occupant de ce tombeau n'est pas mort idiot.

Puisses-tu mourir avec autant de brio!