Bonaparte et La Fontaine


Le grand rêve de Bonaparte

Ne fut pas de vaincre les Parthes 

Pour égaler l’ami Trajan;  

De soumettre les archers du roi Artaban.  

Il fut bien de rencontrer Jean de La Fontaine,

Le fabuliste champenois du bas de l’Aisne.

Et il n’y aura que les ingénus

Pour trouver pareil rêve farfelu, 

Car une solution existe

Qui ne doit rien à la fiction:

Devenir un membre actif de l’Association

Française des Petits Fabulistes.

La Fontaine, nullement dédaigneux,

Fait partie de ce grand cercle de malheureux:

Bienveillant et indulgent avec eux, altruiste,  

Il tient un atelier d'écriture et d'artiste. 

L’éternité est longue, il y faut quelques jeux.

Moi-même, j’en deviendrai membre

Après ma mort pour me détendre.

En tout cas, Napoléon sollicita Dieu, 

Et Bonaparte écrivit une fable

Dans l’espoir d’être reçu à leur table: 

La fable du Chien, du lapin et du chasseur,

Où César le chien est zigouillé par l’auteur! 

(Jeannot Lapin, pas fou, a fui par la fenêtre.)

En l’écrivant, Bonaparte songeait peut-être  

A celle, terrible, du Loup et du chasseur

Où sont visées la convoitise et l'avarice.  

Méditer dessus lui aurait rendu service.

En vers coalisés mêlant vers longs vers brefs,

Elle cible Napoléon au premier chef.

Les empereurs croient que les pays sont du linge

Et revêtent dessous la Saxe ou la Thuringe.

Hélas, s’ils ont beaucoup, ils n'ont jamais assez:

On veut tout, quitte un jour à prendre une fessée!

Quand la Pologne vous prend pour la panacée,

Pousser plus loin n’est plus une avancée.

La Russie fut son cétacé:

La divine Russie orgueilleuse et champêtre

Fut trop énorme pour notre empereur.

L’hiver russe devint son maître:  

Le Corse y perdit des plumes, de la vigueur.  

La froidure et la neige eurent ses guêtres.

 

Je dis: avis aux amateurs!

La Bérézina se mange très froide:  

Tous les soldats, elle embrigade.

Ce ne sont plus que noyades et jérémiades.

Tout finit en capilotade.