Le cerf trompé par la Fortune


Le plus fringant cerf du royaume,

Originaire de la vallée de Tamar,

Peu familier des gorges de Cheddar,

Flânait paisiblement loin de son trône.

Mais abomination, triste réalité,  

Il est pris en chasse au cœur de l’été.

Il doit défendre crânement sa vie,

Sinon, c'est aboyé dans ce désert,

Il finira déchiré par des crocs amers,

Déchiqueté par des cabots pervers:

La nature sera meurtrie, 

Et le royaume à l'agonie.

Dans les prés, il déploie ses focs,

Il flotte, il vogue, il vole, il décrète, il galope,

Mais il fuit à découvert, rien ne l'escamote.

Aussi, il bifurque et une forêt le croque.   

Des branches basses le provoquent

En duel et un épais taillis le bloque.

Le fouillis est sans équivoque.

Il avise une niche dans un roc

Et pénètre dans la grotte

Pour éviter le choc frontal

Avec la meute hurlant à ses trousses.   

Entre les aboiements qui l'éclaboussent

Et l'antre ténébreux qui vient à sa rescousse,  

Il choisit le moindre mal,

Croyant pouvoir échapper dans ce noir dédale

A la barbarie des mâchoires infernales.  

Ce choix eut été le bon, et génial,

Et pour peu presque convivial,

Si cet antre avait déployé, labyrinthique,

Un réseau souterrain complexe et anarchique

Entraînant les chiens dans de fosses directions.

Hélas, il ne recèle rien de bénéfique,

Rien qui puisse favoriser la fuite:

Dans la gueule du loup était tapi un lion!

Il est inutile d'entrer en rébellion.

Notre cerf eut volontiers fait machine arrière,

Mais il est désormais trop tard;

Il ne pourra pas revoir la lumière.

Le lion se jette dessus sans retard

Et s'arroge toutes les parts.    

 

Quand la Fortune et la mort veulent faire équipe,  

Sont inutiles les titres et les mérites. 

Pourrait en témoigner cet animal d’élite

Qu’est le cerf entier aux ramures fantastiques.